MEN IN TRIBULATION

Être une heure durant, le temps d’une représentation, dans la tête d’Antonin Artaud, ce poète, ce dramaturge, penseur et visionnaire. Une seule heure, la dernière heure d’un esprit épuisé dans un corps las de batailler.

En cette dernière heure, tumulte de voix à l’intérieur de sa tête. Elles hurlent, murmurent et chantent la douleur d’un esprit qui souffre et désire. Intarrissables, elles évoquent des pans de vie, encore et encore : combat d’un homme de théâtre, corps récalcitrant, dépendance aux drogues, orgueil, hostilité du monde, angoisse d’être incompris, aspiration spirituelle.

Intarrissables, elles évoquent des années d’internement en institutions psychiatriques. Les traitements par électrochocs. Intarrissables, elles évoquent le voyage au Mexique, la rencontre avec les Taruhumaras, tribu indienne qui, dans un massif montagneux inhospitalier, pratique au Mexique le rituel secret d’une rencontre avec la part de divinité qui en chacun sommeille. L’espoir d’accéder à la délivrance, à la paix intérieure, loin de la culture occidentale, grâce à ces indiens qui exhument d’eux-mêmes leur rédemption.

Une seule heure, la dernière, dans la tête d’un homme exténué, le corps brisé d’avoir tant lutté : le cri désespéré d’un esprit qui se meurt, les voix inassouvies, ses démons et son désir ultime de pureté.
Bart Van den Eynde